Vilma est romantique. C’est d’ailleurs le premier trait de sa personnalité que les gens remarques en la rencontrant. Elle semble vouloir vivre à cent à leur, au rythme de son cœur et de ses émotions. Elle exagère voire exacerbe chacune de ses sensations. C’est une femme plus romantique que les héros des romans qu’elle affectionne tant. Elle aime les grands espaces, les paysages mêlant dans leur tableau des centaines de couleurs, faire de grande description ne servant à rien sinon dire à sa manière qu’une chose est belle. La sorcière est une immense rêveuse. Elle rêve de pouvoir avoir la même vie fantastique et grandiose que les héros magnifiques des romans qu’elle lit. Elle rêve de pouvoir voyager et de visiter tous les mondes qui sont relier les uns aux autres. Elle rêve de pouvoir laisser une bonne fois pour toute son passé de côté. C’est d’ailleurs de ce romantisme excessif que vient sa profonde mélancolie.

Car malgré toute l’énergie qu’elle tente de fournir pour satisfaire son imagination, c’est tout comme si la réalité venait parfois soudainement la rattraper. Quand elle est dans un de ces moments de réalisme pessimiste, elle devient bien plus terre à terre, mais surtout plus honnête. Elle fait alors bien moins attention à son environnement, plonge parfois son regard dans une direction, se met à réfléchir sur ses actions. Cela peut vite devenir dépressif. Mais ne vous trompez pas. Vilma aime vivre et aimerai pouvoir profiter pleinement du bonheur que lui offre sa nouvelle vie, bien loin des préoccupation d’un passé trop envahissant. La chose est qu’elle ne sait pas par où ni par quoi commencer et qu’elle aimerait simplement que quelqu’un la conseille, la guide un peu. Pourtant, notre petite corneille est loin d’être stupide, elle manque simplement d’esprit critique.

Si son apprentissage et son éducation ont été menés de manière autodidacte, il ne faut pas faire l’erreur de les sous-estimer. Vilma possède en effet une capacité de mémorisation et une curiosité qui dépassent toutes les deux l’entendement. Ce qu’elle a lu, entendu, sentis, elle s’en souviendra parfaitement et elle persiste à faire la chasse aux détails. En somme, elle agit beaucoup comme un bébé le ferait, portant son intérêt sur une chose en particulier puis changer de sujet une fois qu’elle pense avoir tout compris. Cette mauvaise habitude met souvent les personnes avec qui elle discute dans un certain malaise. Il faut dire que Vilma n’est pas très douée quand il s’agit de déployer des capacités sociales.

La jeune sorcière n’est pas nécessairement solitaire, mais elle a énormément du mal à approcher les autres personnes et cela pour deux raisons. La première est assez évidente : elle a tout simplement peur que les gens réagissent comme elle vu les gens réagir pendant la majeure partie de sa vie. Elle est persuadée que les autres se porteront bien mieux s’ils restent loin d’elle, que quoi qu’elle puisse tenter pour briser la glace, elle finira par commettre une erreur qui énervera, effrayera ou feras je-ne-sais-quoi à la personne à qui elle essaye de parler en premier lieu. La seconde raison est tout aussi bête : notre petite corneille est tout simplement timide. Elle rougit quand quelqu’un d’autre l’approche de manière amicale, se met à bégayer et perd tous ses moyens si on rajoute un contact physique à cela.

Vilma déteste avoir recourt à la violence. Elle n’aime pas à avoir se battre contre quelqu’un ou utiliser de ses pouvoirs. Mais, paradoxalement, elle ne semble pas rechigner à les utiliser quand même. Pour être plus précis, bien qu’elle n’aime pas se battre, elle sait pertinemment que la violence est parfois inévitablement, voire nécessaire dans certain cas. Le jeune mage est loin d’être une idéaliste. Elle rêve certes d’un monde sans guerre et ou les gens s’écouterai avant d’en venir aux poings, mais cela s’arrête au simple rêve. Elle est parfaitement au courant que c’est impossible et ne cherche simplement à faire de son mieux pour aider les personnes qu’elle peut aider. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est entrée dans le Conseil. Ça et le fait qu’elle veut prouver que la sorcière des corbeaux ne souhaite pas forcement le mal.

On y arrive enfin. On en a déjà bien parler avant, Vilma à un rapport compliqué avec son passé. Elle aimerait l’enfermer dans une boite, l’enterrer au fond d’un jardin et ne plus jamais en parler. Mais, là encore, elle sait que c’est impossible. Alors elle cherche juste un moyen de se racheter une bonne réputation. Elle voudrait que les gens l’apprécient. Elle aimerait que l’enfant qui viendra au monde en héritant de ses pouvoirs n’ait pas lui aussi à fuir pour survivre. Pour elle, rentrer dans le conseil s’était révélé être la parfaite opportunité pour accomplir son souhait.

L’enfance de Vilma ne fut pas très joyeuse. Sa mère l’a accouché dans une vieille cabane miteuse au milieu de nulle part et elle a grandi sur les routes, dans la constante peur de se faire agresser par des gens connaissant la triste histoire de la sorcière corbeau. Puis, alors qu’elle n’avait que douze ans, sa mère périt d’une flèche envoyée par un chasseur venu abattre les deux prétendues sorcières. Ses dernières volontés étaient que sa fille trouve un endroit sûr et mène une vie paisible. Elle demanda à sa fille de rejoindre la Citadelle du Conseil, le seul endroit où elle serait à l’abri selon elle. Les années qui suivirent furent pour Vilma des années de profonde solitude. Chacune des histoires qu’a vécu la jeune fille durant cette période ressemble à celle que je vais vous raconter...

Chapitre 1 : L’arbre aux corneilles.

Cela faisait presque une semaine que Vilma n’avait pas pu dormir dans un endroit à l’abri du vent et la jeune fille espérait pouvoir avoir une chambre dans l’auberge du petit village où elle venait d’arriver. C’était un minuscule patelin de fermier, de bergers et de bouviers composé simplement d’une vingtaine de maisonnettes de chaume. En temps normal, une auberge n’aurait jamais dû se retrouver dans un tel lieu. Mais il était apparemment placé au carrefour de plusieurs jeunes routes commerciales et un homme avait dû sentir que les affaires allaient vite faire venir d’autre marchand, artisan et tout ce genre de visiteur. Malgré cela, ce village restait encore peu accueillant. Cela venait principalement du grand chêne mort et pétrifié depuis des décades qui trônait au milieu de la place publique. Les locaux l’appelaient sobrement “l’arbre aux corneilles”, un nom tel que si on vous expliquait son origine, vous devriez vous inquiéter de vos capacités cognitives pour ne pas l’avoir compris plus tôt.

La jeune sorcière avançait lentement en regardant d’un œil inquiet les innombrables oiseaux qui se trouvaient percher sur les branches grisâtres. Tous la regardaient de leurs deux petites perles ébène, sans qu’aucun n’émette pourtant un seul croassement. C’était comme s’ils attendaient quelque chose de Vilma, un geste ou un ordre. À cette époque, elle détestait encore la présence des sombres volatiles, lui rappelant toujours le triste héritage qu’elle portait. Elle jeta un regard soucieux en direction des plumes de son manteau, craignant qu’un habitant la voie et la chasse en faisant un rapprochement douteux entre elle et les corneilles. Ne souhaitant pas rester un instant de plus à côté de cet arbre, Vilma reprit sa marche vers la porte de l’auberge.

Depuis la mort de sa mère, elle survivait comme elle pouvait en revendant les bijoux de cette dernière et en offrant ses services à ceux qui ne lui voulaient aucun mal. Même si elle avait quitté la région où l’histoire de sa famille était connue par beaucoup de gens, la jeune mage restait encore sur ses gardes et continuait de craindre qu’elle puisse tomber sur un fou voulant sa mort. Plus elle s’approchait de la citadelle, le seul endroit où elle serait enfin en sécurité selon sa mère, plus les gens se contentaient de trouver son accoutrement étrange que louche. Mais cela ne convenait pas à Vilma. La peur de se faire tromper, de tomber sur la mauvaise personne au mauvais moment avait déjà conquis le cœur de la jeune fille. Pour Vilma, cette nuit passée dans cette chambre d’auberge ne fut pas plus confortablement que si elle l’avait passé dehors, sur un tapis de feuilles et d’humus. En tout, elle se réveilla dix fois, croyant avoir vu une ombre menaçante où avoir entendu des pas entrant dans sa chambre.

Le lendemain matin, après son réveil, elle déjeuna en vitesse, acheta quelques rations pour le voyage et partit. En repassant devant le grand arbre noirci par la présence des corneilles, elle ne put s’empêcher de prendre une pierre au sol et de la lancer violemment en direction des oiseaux, qui s’envolèrent en croassant à tue-tête pour exprimer leur mécontentement de se faire agresser sans raisons. Vilma quitta alors le village en courant, sans même savoir que deux villageois l’avaient vu et que l’un d’entre eux semblait connaitre l’histoire de la sorcière corbeau.

Chapitre 2 : La maison de la sorcière.

Les deux hommes avaient suivi l’adolescente aux cheveux blancs toute la journée, jusqu’à une vieille maison de berger abandonné et partiellement en ruine au bord d’un champ. Vilma avait décidé d’utiliser l’abri pour se protéger du vent, les deux hommes pensaient qu’ils avaient atteint le repère d’une horrible sorcière. Il se tenait devant l’entrée. Le premier s’appelait Adul. C’était un grand gaillard un peu idiot qui était originaire de la même région que Vilma, ce qui signifiait principalement que sa grand-mère avait dû lui apprendre le folklore et, par conséquent, la réputation que se traînait la famille de la petite corneille. Le second, répondant au nom de Stilh, était plus trapu et moins confiant que son acolyte. Il avait suivi son ami plus par curiosité que par désir de brûler de la chair de sorcière. Il exprima d’ailleurs ses doutes :
- Écoute Adul... je sais que cette histoire te tient vraiment à cœur, mais je ne vois pas pourquoi tu t’intéresses autant à cette fille. D’accord, elle a une allure étrange, mais elle n’a pas l’air méchant.
- C’est là où tu te trompes, répliqua le jeune fermier. Ma grand-mère m’a tout raconté sur la sorcière corbeau. C’est une vieille femme qui prend l’apparence d’une belle et jeune vierge afin de séduire les hommes et de les leurrer dans le but de dévorer leur énergie vitale.
- Mais justement, ce sont des histoires de grand-mère tout ça. Sois raisonnable et rentrons.
- Tu rentres si tu veux, moi, je vais m’occuper de cette sorcière.

Ne souhaitant pas abandonner son ami à sa folie passagère, Stilh et Adul entrèrent dans la vieille maison en ruine. Vilma qui se trouvait à l’étage, n’en croyait pas ses oreilles. Elle avait eu raison de faire attention même aussi loin de chez elle pensait-elle alors, une larme coulant sur sa joue. Ici aussi, on la prenait pour ce qu’elle n’était pas. Elle se cacha derrière quelques caisses laissées à moisir, attendant le bon moment pour s’enfuir.

Au rez-de-chaussée, les deux hommes firent une découverte inattendue. Un corbeau, le plus gros qu’il n’avait jamais vu, venait de se poser sur le bord de ce qu’il restait d’une fenêtre. Pour Adul, c’était le signe que la sorcière se trouvait bien ici. Pour Stilh, une bête coïncidence vu qu’il y avait quand même un champ à côté et que ce n’était donc pas une surprise de voir ces oiseaux ici. Pourtant, le corbeau avait un comportement étrange, il fallait bien l’avouer. Il fixait dans les yeux les deux intrus et ne bougea pas d’une plume quand Adul s’approcha de lui pour l’observer d’un peu plus près. Les deux jeunes hommes, décidant d’ignorer l’animal, se séparèrent pour avoir plus de chance de trouver Vilma, Stilh fouillant le bas et l’autre le haut. Mais dès que le jeune fermier voulut grimper, il se fit agresser par le corbeau qui lui avait sauté dessus et lui donnait des coups de bec, vraisemblablement pour l’empêcher d’avancer plus loin.

En entendant le bazar qu’il y avait en bas, Vilma saisit sa chance et essaya de s’enfuir en sautant du premier étage par un trou dans le mur. Les deux jeunes hommes ne s’aperçurent même pas de sa disparition, trop préoccupés par l’attaque subite et inattendue menée par le corbeau. De son côté, le jeune mage couru le plus vite qu’elle put pour se cacher au milieu des bois. Elle avança une bonne heure à l’aveugle dans une forêt aussi noire que son manteau, avant de s’écrouler de fatigue à côté d’un gros rocher.

Chapitre 3 : La corneille et le corbeau

Quand Vilma se réveilla, la première chose que croisa son regard fut celui d’un corbeau. Devant cette vision, elle paniqua un peu et recula sous la surprise. L’oiseau, qui était alors à un ou deux pieds de la tête de la jeune fille, se recula pour laisser plus d’espace à celle-ci. Il l’observait comme s'il était troublé, à la manière d’un nourrisson qui voit pour la première fois un visage inconnu. De son côté, Vilma était plutôt énervée de voir l’oiseau qui lui attirait le plus de problèmes se coller affectivement à elle. Elle se releva, prit son sac de voyage et reprit la route. Elle se rendit cependant vite compte que le corbeau la suivait de loin. Il restait toujours à une distance d’une dizaine de pas. Quand Vilma avançait, il avançait avec elle. Quand elle s’arrêtait, il s’arrêtait et ainsi de suite.

Une bonne heure à jouer à ce petit jeu stupide suffi à la jeune mage pour la faire réagir. Elle attrapa une branche et essaya d’atteindre l’oiseau en le lui lançant dessus. Le corbeau se contenta d’esquiver tranquillement, mais ne s’envola pas. Vilma essaya une nouvelle fois, puis une autre, jusqu’à en avoir marre et à abandonner. Elle se résigna à avoir un corbeau dans ses pas dans chacun de ses voyages et fit de son mieux pour l’ignorer.

Les jours passèrent, avec les paysages. Sans même sans rendre compte, la fille aux cheveux blancs finit même par s’habituer et à apprécier la présence de l’oiseau, qu’elle surnomma au passage Kurosu. Il lui rappelait le corbeau de sa mère, qui était mort en même temps qu’elle. Durant son enfance, elle avait passé des heures à jouer avec ce dernier. Il avait été son seul ami et confident. Même si l’idée de prendre le risque d’être encore plus pris pour une sorcière lui aurait normalement empêché d’accepter un tel compagnon, la solitude qu’elle avait ressentie toutes ces années durant ses voyages reprenait le dessus. Au fond, Vilma était encore une enfant qui avait besoin de quelqu’un pour veiller sur elle.

Mais deux questions restaient en suspens : d'où pouvais bien venir ce corbeau et pourquoi avait-il décidé de suivre Vilma ? Même si cette question allait rester un mystère pour la jeune mage, il faut revenir quelques heures avant leur rencontre. Plus précisément, au moment où Vilma s'était réfugiée dans la vieille maison abandonnée. Il s'agissait d'une très vieille demeure ayant appartenu à un enchanteur dans le passé. De ce fait, il restait quelques cercles magiques dans la cave. En entendant les deux hommes arriver pour elle, la jeune femme tenta de garder son calme en se rappelant de bons souvenirs. Et ce sont justement les souvenirs d'elle jouant avec le corbeau de sa mère qui lui occupèrent l'esprit. Apparemment, ces souvenirs activèrent les cercles magiques et cela invoqua le corbeau qui était désormais lié à Vilma. La suite, vous la connaissez.

Epilogue : A sucker for a happy ending

Soyez rassurés, l’histoire se termine plutôt bien pour notre petite corneille. Une année après sa rencontre avec Kurosu, elle atteignit enfin la Citadelle du Conseil. Après des années de voyage, elle se sentait enfin en sécurité. Vilma était profondément impression par la vie qui jaillissait de tous les côtés de la ville. Jamais elle n’avait vu ça et au fond de son corps, c’était comme si une flamme trop longtemps restée éteinte venait de renaitre. Ici personne n’allait la juger pour son apparence ou son passé.

Elle se présenta au conseil, désirant entrer dans cet ordre. Ainsi, Vilma devint d’abord simple membre de la division médicale, mais, par son énergie et sa pugnacité, elle se fit vite remarquer par ses supérieurs. Elle grimpa dès lors petit à petit les échelons pour finir par devenir le bras droit de la division. Un poste auquel elle espère bien faire honneur.