En deux mots, on peut décrire Eurynome comme une gamine terrifiante. Difficile de la croire en la voyant à première vue que elle est responsable du commandement de la corruption, tant la laideur de ce mot semble étranger à l'aura douce qui entoure la demoiselle. Et pourtant, si vous savez. Ce n'est même pas tant son caractère qui est terrifiant- elle est loin d'être aussi tordue que certaines personnes que l'on peut trouver dans les quatre mondes- mais l'étrange détachement dont elle fait preuve dans sa vie. Elle est en effet atteinte d'un trouble de personnalité, la sociopathie, qui influence sa manière de voir le monde et de réagir à son entourage, créant souvent l'incompréhension autour d'elle vis-à-vis de ses actions.

En effet, en soi elle a plutôt bon fond. Joyeuse et agréable à vivre quand on ne gratte pas trop la surface, là où elle passe on peut apercevoir les mèches soyeuses de sa chevelure virevolter au vent et la demoiselle chantonner des airs mélodieux.

C'est justement cet air innocent combiné à son apparence mignonne qui fait sa plus grande arme. Être responsable de son commandement n'est pas une mince affaire, et elle se sert de ses charmes pour réussir là où on ne l'attend pas. Les hommes de pouvoir puissants se méfient par instinct et expérience des belles femmes plantureuses qui les approchent, mais elle? Non non. Son petit minois est une bouffée d'air frais dans la vie sérieuse à mourir de ses cibles, et Eury est une reine d'imagination pour inventer des scénarios où elle échafaude sa rencontre avec le ou la malheureuse qui aura été désigné. Se glissant avec aisance dans le rôle d'une petite sœur de substitution ou d'une innocente étudiante soumise, elle joue sur son visage de poupée et sa douce voix pour envoûter ceux qu'elle fréquente.

Implacablement, elle cerne le besoin profond de son interlocuteur, jouant sans pitié sur l'instinct maternel ou paternel des uns, l'appétit sexuel des autres. C'est impressionnant de voir le nombre de gens qui refoulent des pulsions dominatrices plus ou moins dégoûtantes. Et pourtant, elle endure tout, tout ce qu'on lui fait dans le cadre de sa mission. C'est son sens des responsabilités, lourd et presque grotesque quand on pense qu'en soi, Eurynome n'a pas de raison spéciale de se dévouer autant au Crépuscule. Se laisser piétiner et en redemander ne lui pose pas problème pour une personne quelque peu dénuée de conscience comme elle, et la notion de dignité lui est assez abstraite. Elle analyse avec détachement ce qu'elle doit faire- ou plutôt, se laisser faire faire- et subit en silence, et avec le sourire en plus. Ce côté très inhumain de son caractère fait souvent fuir les gens qui tentent de l'approcher d'un point de vue amical et plus si affinités, se rendant vite compte que quelque chose cloche chez elle. C'est néanmoins ce qui lui a permis de faire son travail avec efficacité et de gravir les échelons en trois ans, pour se retrouver où elle est aujourd'hui.

Eury vous embobinera et vous fera tourner la tête si elle le doit, mais pour elle qu'importe la gravité de la situation, elle a du mal à prendre la situation au sérieux. Comme l'on n'est jamais sûr du degré de vérité qui sort de sa petite bouche, c'est difficile de juger à quel point la jeune goule peut être hypocrite; mais croyez-moi qu'elle n'hésite pas à mentir en papillonnant des yeux d'un air innocent. Si ça l'arrange de vous faire entendre des mots doux quand la situation s'y prête alors elle vous les susurrera au coin de l'oreille, sans y croire elle-même le moindre instant.

Dans ses échanges avec autrui dans le cadre de son travail en tant que chef d'un commandement, elle reste courtoise bien qu'un peu piquante parfois. Cependant, elle parlera pour dire ce qui est nécessaire et pas un mot de plus si la personne ne l'intéresse pas particulièrement. À moins de venir la titiller ou qu'elle ait un intérêt spécial pour vous, son manque d'investissement est parfois impoli voir choquant dans certains cas. Elle ne s'en rend pas bien compte à cause encore une fois de ce manque de prise de conscience qui la caractérise. Mais même avec cette absence d'empathie totale, il est à noter qu'elle ne ressent pas de pulsion sadique ou montre la moindre tendance cruelle. Même à l'égard de ses cibles, elle fait le nécessaire pour le bon accomplissement de la mission qui lui a été confiée, quitte à parfois infliger de la souffrance, mais pas plus qu'il ne le faudrait.

CHAPITRE I) PLUS BANAL, TU MEURS?


VANERZAME - An 1995 - Naissance à 17 ans - Novosibirsk, Russie

Eurynome est le nom d'une divinité humaine, de la mythologie grecque. Un joli prénom poétique mais plutôt ironique pour une goule russe. Née au sein d'une famille tout ce qui a de plus normal si on oublie leur régime alimentaire, elle grandit entourée de l'affection de ses parents à laquelle, elle, était la plus indifférente. Intégrés à la société humaine et ne prélevant que le strict nécessaire pour se nourrir et vivre, ils ne se faisaient pas remarquer sur Vanerzame et notre jeune goule eut une enfance paisible. Elle avait tout ce qu'elle voulait, jouets, beaux vêtements, livres, mais malgré l'air doux qu'elle abordait sur son visage, ses parents s'inquiétaient du peu de réaction de leur fille. Depuis sa naissance, tout était si lisse dans sa vie tellement cadrée qu'Eurynome ne ressentait pas la moindre émotion, pas la moindre étincelle qui aurait surgit devant ses beaux yeux bleus.

Ça en était à vomir. Elle n'était pas malheureuse pour sûr, mais n'était pas heureuse pour autant, et se désespérait de remplir le vide qui enserrait son cœur quand son esprit se prenait à vagabonder. À l'aube de son passage à l'âge adulte et alors que ses parents la destinait à des brillantes études de médecine, elle assassina brutalement une de ses camarades de classe par pure curiosité. C'est aussi cet événement qui lui révéla l'existence de son pouvoir, quand elle se coupa malencontreusement quand sa victime se débattait. Mais là encore, elle ne ressentit rien de spécial. Où étaient l'excitation d'avoir achevé sa première proie? La jouissance d'avoir appuyé sa dominance de goule sur un faible être humain? Nulle part pour Eury, qui, déçue, décida de partir parcourir le monde et de tout laisser derrière elle du jour au lendemain afin de trouver ce qu'elle cherchait pour combler sa vie bien vide.


CHAPITRE II) LA RENCONTRE QUI CHANGEA SA VIE


VANERZAME - An 2014 - 18 ans - Tokyo, Japon

Eurynome avait merdé. Ça, c'était clair comme de l'eau de source. Petite goule pourrie-gâtée par papa-maman qui lui servaient ses repas humains et qui n'avait pas à se soucier de la chasse, elle venait à peine de commencer à se nourrir seule l'année de ses dix-huit ans. Sur Vanerzame, l'âge de la majorité. L'heure de jouer dans la cour des grands. Elle était enthousiaste à cette idée mais manquait de pratique et c'est ce qui venait de la griller alors qu'elle avait décidé d'aller vivre dans la capitale du Japon, après avoir voyagé dans différents pays pendant plus d'un an. Tokyo et sa vie métropolitaine l'attiraient, elle qui adorait explorer le monde et les merveilles qu'il recelait. Cependant, lors d'une sortie pour trouver une victime isolée et en faire son repas, elle avait bien eu l'impression étrange que quelqu'un la suivait. Surprise et horreur. Il semblerait que quelqu'un du Conseil avait remarqué que elle ne prenait guère attention à choisir ses victimes avec précaution ou même à cacher ce qui en restait, semant le trouble partout où elle passait.


Elle se mit à courir au hasard, bousculant les rares passants à l'air louche qui se pressaient dans les petites ruelles de Tokyo, avant de se jeter dans une qui semblait abandonnée. Se plaquant contre un mur, elle se recroquevilla derrière une benne à ordure et tenta de se faire la plus petite possible.
La peur montait lentement dans son corps, s'infiltrant insidieusement dans ses pensées alors qu'elle se mordait la lèvre inférieure jusqu’à que des gouttes de sang perlent, glissent le long de son menton et s'écrasent silencieusement sur le col de son manteau. Le goût métallique du sang envahit sa bouche, la forçant à réaliser sa situation. De chasseuse, elle était devenue la proie pour la première fois.

Eury ferma les yeux quelques secondes, seulement pour reprendre sa respiration. Sa gorge était sèche et sa respiration était forte, pantelante comme celle d'un animal effrayé.  Elle peinait pour se calmer, tentant en vain de fermer les yeux. Dans ce genre de situation, son pouvoir aurait pu la sauver, mais elle était encore incapable de s'en servir correctement. Regrets. Elle aurait dû s'y prendre plus tôt. Perdue dans les pensées qui traversaient à toute vitesse sa tête, la goule n'entendit pas son poursuivant l'approcher jusqu'au dernier moment.

Un déclic se fit entendre et le canon d'un revolver se posa contre son front, glacé comme la mort. La jeune femme fut parcourue d'un long frisson d'horreur qui descendit depuis sa nuque jusqu'aux extrémités de ses doigts. Lentement, très lentement, elle leva ses yeux clairs pour apercevoir celui qui tenait l'arme fermement. Elle le sentait, tout près. Dans l'obscurité de la nuit et dans la panique qui lui brouillait les sens, elle ne put apercevoir le visage de celui qui allait terminer sa vie ici, dans une ruelle sale de la capitale. Une main attrapa son menton avec violence. Froide. Aussi froide que le métal glacé sur son front.
Son agresseur plongea son regard dans les yeux rouges de la jeune goule, qui, apeurée, commença à pleurer, de grosses larmes roulant sur ses joues. C'était comme ça que sa vie pathétique allait finir, avant même d'avoir commencé? Merde alors. Faire l'innocente était raté avec le sang de sa récente victime encore sur ses mains. Il ne restait qu'à jouer sa dernière carte, la pitié.

« Ne me faites pas de mal... » murmura-t-elle en prenant sa voix la plus douce, mais avant même d'avoir fini sa phrase, elle savait d'avance que cela n'aurait aucun effet. La petite goule ne pouvait que préparer à sa mort, si elle en avait même le temps avant d'entendre la détonation qui viendrait mettre fin à son histoire. Mais alors qu'elle ferma les yeux en grimaçant, elle sentit la poigne qui la tenait contre le mur se relâcher et le corps de son adversaire s'affaisser à ses pieds.

Debout devant elle, se trouvait un jeune homme inconnu qui venait visiblement de sauver ses miches. Son apparence était déconcertante et éblouissante par ses couleurs chatoyantes, contrastant fortement avec la ruelle sordide dans laquelle ils se trouvaient. Un peu hébétée, Eurynome cligna des yeux plusieurs fois avant de se mettre à applaudir mains jointes, un grand sourire éclairant son visage. Parfait. Il semblerait que les dieux aient d'autres plans pour elle. Et elle n'allait pas les laisser filer. Le choc d'une mort certaine était déjà passé aussi vite qu'il n'était apparu.

Il s'approcha ensuite de la demoiselle, il avait l'air intrigué par celle-ci tout en lui souriant avec tendresse de son visage parsemé de quelques gouttes de sang. Puis posa une main sur tête, caressant ses cheveux.

«Qui aurait pu croire qu'une simple tâche m'aurait conduit à dénicher une si belle et étrange fleur, je n'ai jamais vu quelqu'un se porter comme un charme juste après avoir vu la mort.»

Le garçon se retourna ensuite, faisant mine de partir:

«Malheureusement je ne peux rester plus longtemps ici, j'ai une affaire de prévu, en revanche si tu désires toujours me retrouver, j'ai loué une cham...»

« Hey, attends » chuchota-t-elle en attrapant un pan de la veste de l'inconnu. Elle souriait à présent à pleine dents, seul le noir de son mascara coulé sous ses yeux le seul témoin de la scène précédente. « Emmène-moi avec toi » déclara-t-elle d'un ton autoritaire. Plutôt osé pour quelqu'un qui venait juste se faire sauver la peau. Le vouvoiement? Elle ne connait pas. « Je te rendrais la pareille un jour~ » promis la goule en vrillant ses yeux redevenus bleus dans le regard vairon de son interlocuteur. Elle qui s'ennuyait dans sa vie actuelle, le mystère qui entourait le jeune homme lui semblait irrésistible. Était-ce la chance de trouver ce qu'elle cherchait?

L'inconnu se tut quelques secondes, bouche bée avant d'éclater dans un fou rire, et non des moindres. Peut-être croyait-il à une plaisanterie? Son visage changea alors quelque peu d'expression, mélangeant son amusement avec un regard remplit de sadisme.

«Excuse-moi, excuse-moi, je ne m'attendais juste pas à ce genre de réponse! Quel gâchis ça aurait été d'être arrivé une minute en retard, vraiment je t'adore déjà !» Puis le ton de sa voix devint un peu plus sournois «Mais tu sais, je ne suis pas un vagabond ou quelque chose du genre, disons que... C'est plus une sorte de travail, de passe-temps aussi.» Il passa alors son index sur son propre visage, récoltant les quelques gouttes de sang présentes et l'approcha ensuite délicatement des lèvres d'Eurynome sans pour autant faire quelque chose, attendant une quelconque réaction. «Toi qui a fui devant lui, penses-tu vraiment vouloir me suivre? Me laisserais-tu t'enivrer par ce sang qui pourrait être le tiens? De quelle façon comptes-tu me la rendre? Moi qui me dit que tu ne devrais répondre que par la négation, désires-tu me prouver mon tort?» À chaque question son sourire grandissait, tout autant que ce plaisir cruel qui se faisait ressentir à travers sa voix.

Quelques secondes de silence passèrent entre eux, un silence tendu durant lequel la jeune goule ne quitta pas des yeux celui qui venait de la défier. Ces mots qui résonnaient dans l'air, teintés d'une menace à peine voilée auraient pu faire frémir n'importe qui d'autre, mais pas quelqu'un qui n'avait absolument rien à perdre. D'un air insolent, elle posa ses lèvres sur le doigt levé du jeune inconnu, avant de dévoiler des petites dents pointues de goule qu'elle enfonça légèrement dans sa peau, juste assez pour faire dégouliner davantage de sang sur la main de ce dernier. Une réponse claire. Elle le suivrait quoiqu'il lui fasse. Le sang, ils pourraient le faire couler ensemble. Elle relâcha sa prise et sourit ensuite, ses dents blanches teintées de rouge.

« ... Ça tombe bien. J'ai justement besoin d'un passe-temps »


CHAPITRE III) UN NOUVEAU DÉPART


KALERYA - An 1736 - 19 ans - Le Crépuscule

Un jour semblable à un autre dans cette routine dans laquelle la jeune femme s'était installée. Pour l'âme étrange de la jeune goule, devenir Zalensith c'était avoir accepté un travail comme un autre. Le trafic d'êtres humains ou la vente de drogue en aurait fait frémir plus d'un, mais quand Yuki l'avait éclairée en détails sur la nature de ses activités, elle n'avait pas eu d'autre réaction que de sourire et hocher la tête d'un air absent. Sans changer d'avis quant à son obstination de se lancer dans cette nouvelle aventure, elle ne le regretta pas un instant. Elle y découvrit une vie bien plus excitante que tout ce qu'elle avait connu jusqu'à présent et ce sentiment étrange d'être bien où elle est. Eury la nomade se sentait enfin à l'aise quelque part. Comme si elle l'avait attendu toute sa vie. Vivre dans un vieux temple perdu c'était déjà assez cool sur son échelle de ce qui l'était. L'intérieur l'était tout autant, et elle qui n'y était point habituée, la vie en communauté lui était plus agréable que ce qu'elle aurait imaginé. Un toit sur la tête et autant à manger qu'elle le voulait, elle n'avait besoin de rien de plus.

Son entrée dans le Crépuscule aurait pu être rejetée en raison de son apparence faible et le grand sourire doux qu'elle abordait sur le visage, mais la personne du premier commandement qui avait réalisé son entretien devait savoir que les apparences sont bien trompeuses en ce monde. Son pouvoir avait également attiré l'attention et elle fut d'abord sommée dans les premiers mois de s'entraîner sur ce point.

« Putain de ..... MERDE!»

Son hurlement résonna dans la salle d'entraînement comme un écho caverneux en pleine montagne. Toute sa frustration et sa rage lâchée dans ce cri de désespoir, elle soupira et passa sa main dans ses longs cheveux. C'était rare de voir de telles émotions chez la jeune femme et elle retrouva d'ailleurs bien vite un air plus impassible, mais sans le moindre sourire. La douleur qui lancinait encore ses jambes lui passait toute envie d'être de bonne humeur pour une fois, et elle se traîna avec difficulté sur le sol comme une vieille limace. Alors que elle ne s'était quasiment pas servie de son pouvoir durant les dix-huit premières années de sa vie, la voilà soumise à son utilisation tous les jours et les conséquences se faisaient sentir. Elle avait beau varier les endroits de son corps ou elle se tranchait la peau assez profondément pour en faire jaillir le sang de ses veines, c'était tout de même très handicapant. Avec le temps, elle s'habituait à la douleur, faisant des entailles de plus en plus précises et petites, mais le contrecoup était toujours une forte faiblesse. Normal, en ayant perdu autant de sang.

Le pauvre malchanceux qui ce jour-là avait été désigné pour lui servir de cobaye humain gisait sur le sol, inconscient, tranché de toute part. Son pouvoir s'était sans contestation amélioré depuis qu'elle avait commencé ses séances quotidiennes, mais elle ne pouvait pas repousser la limite physique que son corps lui imposait- un litre de sang.

Après avoir rampé une dizaine de mètres, laissant un filet rouge sur le sol derrière elle, elle s'adossa contre le mur de la salle, pantelante sous l'effet des élancements qui parcouraient tout son corps depuis ses jambes. Des gémissements s'échappaient de ses lèvres serrées alors qu'une goutte de sueur roula le long de sa tempe. Graduellement, petit à petit, elle venait à s'habituer à la douleur à laquelle elle était confrontée tous les jours, mais uniquement car elle en était le seul maître. Elle connaissait ses propres limites.

Si quelqu'un d'autre lui avait infligé de telles souffrances, elle serait devenue folle à force de vivre autant d'agonie. Pour autant, elle ne s'était pas dépourvue de son caractère jovial et espiègle. Ses journées étaient suffisamment remplies par les entraînements physiques, ceux de son pouvoir, et bien sûr ceux de tir. Elle qui ne savait pas se battre à mains nues et était plutôt maladroite, elle avait bien vite opté de se servir d'un sniper, une arme longue distance qui lui convenait parfaitement. Elle avait appris à le caresser jusqu'à en connaître le moindre recoin, la moindre pièce, la moindre courbe du métal noir. À le démonter et le remonter en moins de deux minutes. À changer les cartouches les yeux fermés. Juste d'imaginer ces moments lui firent l'effet de sentir l'odeur acide de la poudre et elle eut un petit sourire en coin. Maintenant qu'elle avait trouvé un sens à donner à sa vie, elle avait aussi invoqué son familier, un petit chaton gris et blanc. Très original, n'est-ce pas. Elle en avait beaucoup ri d'elle-même, c'était tellement peu surprenant. Malgré tout, elle s'y était fortement attachée et avait hâte d'en finir avec cette séance pour le revoir. Mais déjà, elle sentait que elle était allée trop loin ce jour là. Durcir son sang lui permettait d'arrêter temporairement le saignement de ses plaies, mais elle en avait trop sorti dès le départ pour former son arme. Le moment de payer était venu. Sa vision se troubla et elle tressaillit avant de perdre connaissance et de glisser contre le mur, sa tête heurtant le sol dans un bruit sourd.

CHAPITRE VI) ON SE SERT DE MOI? JE SAIS


KALERYA - An 1740 - 21 ans - Le Crépuscule

La hiérarchie, c'est un concept qu'elle a imprimé dans son cerveau en lettres de feu, qui lui coulent dans le sang. Elle la respecte et s'y accroche même désespérément, point de repère dans la tempête qui s'agite dans sa tête. Pour elle qui est née avec une conception de son monde différent de celui de la moyenne des gens, passer ses doigts sur le doux papier d'un dictionnaire, lire ces petits caractères noirs qui lui expliquent avec clarté la définition de quelque chose, c'est merveilleux.

En rentrant dans le Crépuscule, elle y découvrit l'ordre et le respect, et s'y découvra une certaine affection pour ce système hiérarchique qui lui montrait le droit chemin. Obéir, se faire obéir. Simple et efficace. Son air angélique poussa plus d'une personne à essayer de la contester ou même de la soumettre à sa volonté, mais malgré la soumission que elle montrait à ceux au rang plus élevé qu'elle, elle était terriblement autoritaire pour le reste. Moins on l'emmerdait et plus elle avait de temps pour vaquer à ses propres occupations, ce qui était parfait pour la demoiselle. Au final, et elle avait été envoyée sur le terrain en première ligne pour aller espionner et corrompre ceux qui tiraient les ficelles du pouvoir sur Kalerya. C'était des tâches certaines dangereuses que on lui avait confié, jouant sa vie parfois, mais chaque jour était différent et cela lui permettait de voyager dans différents mondes, découvrant tout ce que la vie avait à lui offrir. Elle s'était découvert une certaine facilité à manipuler ceux qui l'entouraient afin de parvenir à ses fins, comprenant petit à petit davantage sa propre personnalité. N'hésitant pas à s'en servir.

Sa réputation n'était donc plus à faire et alors même qu'elle était loin d'être la personne la plus ambitieuse des environs, elle se retrouva au bout de trois ans propulsée au rang de chef du 7ème commandement, celui que elle avait rejoint quand elle avait commencé à travailler pour le compte de l'organisation. Toujours soumise à l'autorité et ne rechignant à aucune basse besogne pour accomplir son travail, elle est un bon petit pion sur l’échiquier de la guerre entre le Crépuscule et la Congrégation -tout à fait consciente de l'être- et en est heureuse.