Isharia est une femme qui ne baisse jamais les bras. Tout au long de sa vie, elle n'a cessé de poursuivre ses envies, ses ambitions et son but. Et cela lui valut de chambouler beaucoup de choses dans sa vie, mais elle n'a pas peur de le faire. En effet, elle a beau rester fidèle à ce qu'elle considère comme une autorité légitime, elle n'en reste pas moins fragile et extrêmement influençable. De ce fait, l'autorité en question peut changer plus ou moins facilement et parfois brusquement selon le cours des événements. Et quand cela arrive, il n'y a pas de demi-mesure, pas de nostalgie. La banshee ne vit pas dans le passé, tout ce qui lui importe est le présent et éventuellement le futur. Un ami d'aujourd'hui peut très bien devenir son ennemi de demain, si tant est que quelqu'un réussisse à lui présenter une figure d'autorité plus légitime à ses yeux que celles qu'elle respectait jusqu'alors.

Même si elle est capable de reconnaître une certaine autorité, Isharia n'en reste pas moins indépendante. Elle veut, au possible, se débrouiller seule. Et cela va même jusqu'à refuser l'aide de quiconque, y compris son familier, lorsqu'elle est gravement blessée. En tout cas, tant que le danger de mort n'est pas imminent, et ce peu importe la souffrance. Du moins, on ne parle pas là de vouloir tout faire d'elle même, sinon elle ne s'entourerait pas du Crépuscule. Il s'agit plutôt d'aide physique, le genre d'aide qu'on veut vous fournir lorsque vous ne pouvez plus faire ce dont vous êtes capables d'habitude. Si elle peut le faire une fois seule, elle veut pouvoir le refaire seule, ad vitam aeternam.

La banshee n'a pas oublié le passé qu'elle rejette. Elle l'a juste enfoui au plus profond de son esprit et tout reste là, tel une bombe à retardement. Pour le moment, elle n'y pense tout simplement pas, elle vit dans le présent et ne se soucie jamais du passé. Dès lors qu'on essaye de lui en faire parler, elle passe immédiatement sur la défensive. Elle parlera seulement de ce dont elle s'est convaincue, et non pas de ce qu'elle sait être vrai.

Il y a un problème auquel Isharia se trouve souvent confrontée : trouver la limite entre la torture et ses instincts de banshee. Même en cas d'aveux, il est parfois difficile pour elle de s'arrêter de faire souffrir sa victime, à vouloir la pousser de plus en plus loin dans la peur et la folie, voire jusqu'à la mort. C'est une lutte constante avec elle même pour s'arrêter en pleine torture lorsque cela est nécessaire, et elle espère ne pas avoir à regretter un débordement un jour.

Par ailleurs, Isharia n'est pas le genre de fille douce et aimable avec qui vous pouvez sympathiser au premier coup d’œil. Elle a énormément de mal à s'accrocher émotionnellement aux autres et ne le souhaite de toute façon pas. Difficile donc de savoir ce qu'elle pense de vous sans le lui demander directement, ce qu'elle ne devrait à priori pas hésiter à faire. Cela dit, tant que vous ne lui faites pas de mal, il n'y a pas de raison qu'elle vous déteste. Cependant, elle n'a pas besoin de détester quelqu'un pour passer à l'attaque. En effet, de multiples raisons peuvent être trouvées pour cela : le statut de fée ou de sirène de la cible, la faim voire même la simple envie. C'est une banshee après tout, elle se plaît à tourmenter les autres pour se délecter, entre autre, de leur peur. Bien entendu, elle sait se contenir avec les personnes qu'elle sait être du Crépuscule mais à part ceux-ci et éventuellement quelques exceptions, elle ne s'impose aucune limite.

Son but actuel est de prendre la place du péché de l'Orgueil, aussi nommée Sahel la Noire. Un but qu'elle ne prend pas à la légère et dont elle sait très difficile, mais pas impossible. A ce propos, Sahel est une personne plutôt particulière pour Isharia. Elle ne peut tout simplement rien lui refuser. Elle peut bien râler un petit peu pour la forme, mais il suffit que Sahel insiste un tout petit peu pour que la banshee cède assez rapidement. Il s'agit, de loin, de la personne ayant le plus d'influence sur elle et à qui elle tient le plus. La monter contre elle est une chose bien difficile.

I/ Origine et destin.

7 Vahela 586, une date qui ne veut rien dire pour la plupart, une journée banale pour beaucoup mais une journée spéciale pour quelques-uns. Ce sont ici deux personnes qui nous intéressent, un couple de banshees originaires de Lovumaxia, en Ultarime. Et rapidement, c'est même une troisième personne qui se mêla à cette histoire. Un heureux événement, c'était une fille. A ce moment là, c'est à l'unisson que nos deux protagonistes prononcèrent ces mots :

« Isharia. »

Cette année là, un passeur faisait son apparition pour la première fois. Seulement, Isharia était évidemment trop jeune pour s'en rendre compte. Cette année avait décidément tout pour plaire, cette année était chanceuse. En effet, très peu de monde était au courant de leur race et ce petit couple se plaisait donc à jouer les paysans aux yeux de tous, chassant néanmoins dans l'ombre pour vivre. Et bien il faut dire que la récolte de l'année était abondante, et le gibier omniprésent. Peut-être que ce n'était que leur impression, voulant inconsciemment lier leur unique enfant à un événement tout aussi unique. Mais qu'importe : les souvenirs résultant de cette année étaient plus important que toute vérité.

C'est dans ce climat que grandit Isharia pendant les premières années de sa vie. Elle ne manqua de rien, et l’extrémisme camouflé de ses parents fit qu'elle apprit rapidement ce qu'étaient les différentes races, pas nécessairement le plus objectivement au monde. Dès qu'elle en eut l'âge, elle put commencer à travailler la terre, puis chasser. Cette lente prise d'indépendance permettait de répartir les charges dans la famille, chacun y donnait du sien et personne ne s'en plaignait.

Ainsi dura la vie pendant les dix-huit premières années Ultariennes d'Isharia. Un beau jour, revenant du champ, elle vit alors que des individus étranges, oui étranges était le mot, discutaient avec ses parents. Ils étaient tous calmes, il ne semblait pas y avoir de raison de s'affoler. C'est seulement en approchant que ces derniers l'interpellèrent. Elle ne comprit pas tout le flot d'information du premier coup, mais  ils lui expliquèrent qu'elle était élue par la Congrégation pour suivre leur enseignement. LA Congrégation ? Celle-ci même. Le climat était étrange. D'un côté des individus se voulant rassurants, de l'autre une famille dont les deux tiers semblaient honorés et ravis tandis que leur fille essayait d'assimiler le flot d'information. Finalement, tout le monde se mit d'accord rapidement et après des au revoir modérés, Isharia fut emmenée en direction de Kalerya, un nouveau monde dont elle avait seulement entendu parler sans jamais avoir eu l'occasion de le voir de ses propres yeux.

II/ Une nouvelle vie ?

La jeune banshee avait rejoint la section étudiante de la Congrégation depuis maintenant quatre années Ultariennes. D'ailleurs, elle ne se faisait toujours pas aux années Kaleryennes, tout comme certains anciens Vanerziens d'Europe avaient du mal à raisonner en euros. Mais à part des petits détails de ce genre, elle s'était plutôt bien intégrée à l'environnement. D'autre banshees lui avaient rapidement appris à importuner leurs meilleurs amis les fées et sirènes et elle avait naturellement suivi le mouvement. Du coup, on ne pouvait pas vraiment dire qu'il s'agissait là d'une élève modèle sur tout les points, au contraire. Certes elle était prometteuse, ils ne s'étaient pas trompés sur ce point, mais elle était aussi devenue turbulente. Elle qui était pourtant sérieuse et travailleuse chez elle s'était facilement laissée entraîner dans des groupes, comme qui dirait, malsains. Du moins dans une certaine mesure, cela restait ni plus ni moins que des enfantillages, des bizutages, ce genre de choses sans grandes conséquences.

Néanmoins, Isharia n'était pas juste devenue une élève délinquante qu'il fallait mater. Par exemple, elle s'était découvert ici un grand intérêt pour la lecture. Il faut dire que ce n'était pas chez ses parents qu'elle avait pu développer le plus son intellect, il s'agissait d'une chose presque nouvelle. Et puis au niveau des cours et des entraînements elle conservait de bons résultats constants. Elle n'était certes pas première, mais elle était loin d'être la dernière. Et puis à la voir avec Piki, on pouvait facilement comprendre qu'elle avait un bon fond. Qui est Piki ? Son familier pardi. Elle se souvient encore de la cérémonie peu de temps après son arrivée, ainsi que son souvenir, très simple et pourtant important pour elle : sa première chasse, en compagnie de ses parents. Lorsqu'elle rouvrit les yeux après s'être fortement concentrée sur ce souvenir symbolisant ses origines et son indépendance, Piki était là, devant elle. Un très jeune ent qu'elle adopta au premier regard. Elle ne faisait pas vraiment attention à ceux qui étaient autour d'elle à ce moment, ces individus qui étaient plutôt surpris de voir ce type de familier. Mais ce détail n'importait pas pour elle. A ce moment, dans sa tête, il n'y avait qu'eux deux.

Mais laissons le passé au passé. Isharia et ses deux compères Banshees venaient de se faire octroyer le droit d'effectuer des missions sur le terrain. Il s'agissait toujours du même trio qui, tout d'abord réputé parmi les étudiants pour la turbulence de ses membres, fit assez rapidement parler de lui pour son efficacité. Si bien qu'un jour, à peu près quatre ans Ultariens plus tard, ils entendirent parler d'une mission qui leur semblait parfaite pour eux. Ils avaient entendu parler d'une menace. Une pirate qu'on reconnaissait au nom de Capitaine Sahel la Noire. Naturellement, personne ne leur permit de prendre en charge cette mission, qui était d'un niveau bien trop élevé pour le corps étudiant. Seulement, les trois compères ne se dégonflèrent pas et essayaient d'effectuer des missions qui pourraient les rapprocher ou leur donner des informations sur cette pirate. Informations que la Congrégation ne voulait bien évidemment pas leur dévoiler pour ce qu'ils en savaient. Cependant, plus le temps passait et plus Isharia ressentait une sorte de chaîne imaginaire l’entourant. Métaphore des restrictions prévues pour encadrer et protéger les élèves, métaphore de certains étudiants progressant moins vite et bridant ainsi toute la section et enfin métaphore des méthodes restrictives qu'ils devaient employer pour mener à bien ces missions. Effectivement, pour représenter le bien il fallait faire les choses d'une certaine façon afin de garder une bonne image. Elle ne parla jamais de cette frustration grandissante à qui que ce soit, pas même à son groupe qui semblait pourtant si soudé.

III/ Retour à la case départ.

Comme à leur habitude, le petit trio de Banshee était en mission. Officiellement ils se contentaient juste de remplir les conditions nécessaires à son accomplissement, mais en réalité ils passaient une grande partie de leur temps à rassembler des informations sur cette fameuse Capitaine Sahel la Noire. Depuis le temps, ils étaient parvenus à récolter une quantité non négligeable d'informations sur le sujet, mais il n'y avait rien leur permettant vraiment de foncer sur elle tête baissée pour lui régler son cas.

Mais cette journée était particulière. Aucun des trois ne le savait, mais ils allaient vite le découvrir. Le soir approchait et ils marchaient tout les trois dans les bois de Shizen. Un homme leur tomba soudain dessus, visage couvert. Mais il leur tomba littéralement dessus. Avant même qu'un des trois ne puisse réagir, ils étaient à terre. Personne ne l'avait vu venir et, silencieusement, il poignarda les trois camarades, avant de disparaître de nouveau dans l'ombre. Ils comprirent assez vite que le coup n'avait pas été porté pour être mortel. Cependant, la blessure suffisait à les clouer sur place et à les faire souffrir, autant physiquement que moralement, l'humiliation qu'ils venaient de subir étant plutôt difficile à digérer.

C'est Isharia, la première, qui apercevra un papier un petit peu plus loin. Rampant jusqu'à celui-ci pour le lire, elle reconnut aisément un contrat d'assassinat. Et en bas de la feuille, le sceau de la Congrégation. Dans quel but ? Pour quelle raison ? Pourquoi les avait-il donc laissé vivre au lieu de les tuer alors qu'il en avait la possibilité ? Ce sont des questions qu'elle ne se posa pas à ce moment là, son esprit étant trop occupé à essayer de contenir sa colère, ce qu'il échoua à faire. Elle se redressa tant bien que mal sur ses genoux et revint lentement vers ses deux compagnons. Pendant que Piki, son familier, en retenait un, Isharia plongea l'autre dans une illusion, commençant à plonger sa main dans son corps pour le faire souffrir. Si quelqu'un traversait cette forêt à ce moment précis, il y avait de fortes chances pour qu'il s'évanouisse sur le champ. Rien ne l'obligeait à le faire, mais elle le faisait, jusqu'à ce que son dernier souffle sorte de sa bouche. Elle approcha donc sa bouche et l'avala avant de poser ses lèvres sur celles de son compagnon décédé. Ce baiser macabre n'était pas un baiser d'amour mais plutôt d'adieu. Elle se retourna alors et réitéra l'opération à l'identique avec son dernier camarade. À bout de souffle, elle arracha les vêtements de ce dernier pour se faire un bandage de fortune avec le tissu puis s'effondra, épuisée.

Elle se réveilla le lendemain, la journée ayant déjà été bien entamée. Son premier réflexe fut de pleurer, longuement. Le second, trouver un endroit pour se faire soigner. C'est en marchant comme elle pouvait qu'elle commença vraiment à réfléchir sur la journée qui venait de passer. Au fond d'elle même elle savait qu'il devait s'agir d'un coup monté et que la Congrégation était innocente mais il était trop tard pour s'en rendre compte. Elle se convainquit alors du contraire. La Congrégation avait voulu les éliminer et elle était la seule à s'en être sortie. Elle avait commencé à se débarrasser des traces du passé et il fallait continuer. Elle allait officiellement accuser la Congrégation de cet acte odieux. Ainsi elle se libérerait de ses chaînes qui commençaient vraiment à l'étouffer, et elle limiterait la valeur mise sur sa tête. Elle savait que faire ça impliquait de devenir Bariath. De sa vie, elle ne garda que Piki et son prénom, abandonnant même son nom dans les profondeurs de sa mémoire. Ses parents n'avaient pas à être rattachés à cette personne. À ce propos, quels parents ? Isharia n'était qu'une Bariath orpheline. Elle ne s'attachait à personne et se contentait de poursuivre son but. Quel but ? Dans tout ça il n'en restait qu'un possible : poursuivre cette pirate qui lui a indirectement tout pris.

IV/ Une véritable nouvelle vie.

Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis les derniers événements. Isharia avait définitivement abandonné son ancienne vie. Elle vivait par elle même, gagnant de l'argent comme elle le pouvait. Les deux premiers mois furent les plus difficiles. Elle dut apprendre à se battre sans ses compagnons banshee. Néanmoins, elle réussit à s'en sortir. Son look s'était quelques peu dégradé cela dit. Elle se débrouillait avec les vêtements qu'elle parvenait à avoir, elle n'était plus dans ce climat rassurant de la Congrégation. Mais cesse de parler de ce passé qui n'existe plus. Ce passé appartient à une femme morte assassinée dans la forêt, une bien pauvre femme. Isharia, elle, vivait pour elle-même, pour trouver le Demon-Sirène et la capitaine le commandant.

Elle touchait au but, elle le sentait. Seulement, c'est après quelques mois de plus qu'une information parvint à ses oreilles. Sahel la Noire aurait été capturée et serait prochainement exécutée à Mulfass. Ce devait être une mauvaise blague, ça ne pouvait être qu'une mauvaise blague. A ce propos, celui qui lui apporta cette fameuse information perdit les siennes, d'oreilles, et bien plus. Mais Isharia vérifia l'information et elle se révéla exacte. Elle allait être exécutée deux jours plus tard. Cette nouvelle fit l'effet d'une bombe dans l'esprit de la banshee. Cette dernière se retira, loin des autres, là où elle pouvait trouver du calme et on la vit beaucoup moins pendant un moment. Elle passait la majeure partie de son temps à méditer, à côtoyer les esprits. C'était désormais la seule option qu'il lui restait pour trouver Sahel la Noire.

Une année s'écoula. Isharia était totalement isolée de la population Ultarienne. Ses rares interactions avec ceux-ci servant la plupart du temps à se nourrir. Seulement, le destin n'avait pas tout à fait fini de jouer avec elle. C'est totalement par hasard qu'elle entendit un jour parler de l’Orgueil du Crépuscule. Certes elle avait déjà entendu parler du Crépuscule, mais cette personne, l'Orgueil, avait une particularité : elle répondait au doux nom de Sahel la Noire. Isharia sourit pour la première fois depuis longtemps. Elle n'essaya même pas de vérifier cette information qu'elle avait tiré d'une conversation ne l'impliquant même pas. Non, elle avait entendu ce qu'elle voulait entendre, ce devait forcément être vrai.

Ainsi la traque reprit. Seulement, cette fois-ci une chose était différente. En effet, les indications sur Sahel la Noire étaient beaucoup plus nombreuses qu'avant, elle était beaucoup plus connue. Isharia l'aurait sûrement su plus tôt si elle ne s'était pas d'elle même exilée, mais ce n'était plus important.

V/ Erreur de jeunesse et abandon.

Le jour qu'elle attendait depuis de nombreuses années, ce jour qu'elle considérait déjà comme le plus important de sa vie. Ce jour, il s'agissait sûrement du lendemain. En effet, Isharia savait, de source fiable, où trouver Sahel la Noire, à priori seule. Elle avait donc décidé d'agir dans la nuit. Une sirène aussi connu allait périr de sa main, et le monde en sera informé.

Une fois face au lieu en question, Isharia dégaina son épée, en avance. Paradoxalement pour une banshee, elle devait fait bref et silencieux. C'était l’œuvre de toute sa jeunesse, elle ne pouvait pas se permettre de jouer. Elle transpercerait son cœur, en plantant sa lame au travers et tout serait fini en un clin d'oeil. Elle approcha, bientôt elle arriva près de son lit, à portée d'arme. Elle leva son épée au dessus du corps de cette femme qui ouvrit soudainement les yeux. Deux yeux rouges qui se posèrent sur la banshee pendant qu'une brume noire se propageait. Elle se retrouva soudainement terrorisée, horrifiée, paralysée par la peur. Cette femme qu'elle avait prévu d'assassiner l'attrapa et sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, elle se retrouva sur le lit, sous sa supposée victime. Sa gorge refusait de prononcer le moindre mot ni d’émettre le moindre son. La peur qui enveloppait son esprit lui empêchait également de communiquer avec Piki. En un instant, elle était passée de prédatrice à proie et elle se retrouvait sans défense. Cependant, Sahel la Noire, elle, avait bel et bien toute sa voix et, alors que la brume se dissipait lentement, elle se mit à chanter. C'est à peu près à ce moment qu'Isharia cessa totalement de réfléchir, se retrouvant spectatrice de sa propre impuissance, soumise à celle qui devrait déjà être morte d'après ses prévisions. Pendant que Sahel prenait son pied, la banshee regardait le plafond. Elle ressentait tout ce qu'elle subissait mais son corps n'agissait pas, et son esprit si peu. Ni l'un ni l'autre n'était capable de faire le choix entre l'humiliation dont elle venait de faire preuve ou le plaisir qu'elle ressentait. Elle ressentait vraiment du plaisir ?

Isharia resta dans le même état d’inaction pendant toute la durée de l'action. Le premier mouvement qu'elle fit fut de refermer ses bras autour de Sahel lorsqu'elle eut fini. Que venait-il de se passer ? Elle venait de se faire violer par la personne qu'elle traque dans le but de la tuer depuis des années, et le premier réflexe que son corps lui accorda fut de l'enlacer. Lentement, elle put reprendre ses esprits, choquée par ce qu'il venait de se passer. Elle s'était fait battre dans tout les domaines. Surpassée par une sirène dans le domaine de la torture illusoire qui lui réussissait pourtant si bien. Mais pourquoi ce viol ? Pourquoi elle était une fois de plus en vie à un moment où tout le monde aurait déjà parié sur sa mort ? Et surtout, pourquoi était-ce agréable ? Si agréable que son corps avait instinctivement considéré cette ennemie comme une entité rassurante. Elle réfléchit toute la nuit sans fermer l’œil. Cette journée n'avait commencé que depuis quelques heures et elle était déjà devenue, comme prévu, la plus importante de sa vie. Seulement, cette position de confort, collée à son ancienne ennemie, prit fin lorsque celle-ci voulut se relever. Isharia resserra son étreinte pour la retenir et ouvrit enfin la bouche, avant que Sahel n’interprète mal son action.

« Je... Tu... Ma vie n'a plus de sens si tu pars. Tu as choisi de m'épargner alors tu ne peux pas me laisser derrière. Prends moi... Avec toi... »

Elle la regardait avec un air vide. Elle qui avait jusqu'alors vécu pour ce moment, elle ne savait, pour ainsi dire, rien faire d'autre. Cette nuit aurait du se solder par la mort de l'une des deux et ainsi briser ce lien les unifiant. Au lieu de cela, la grande Sahel la Noire avait choisi de conserver ce lien, sûrement sans en mesurer l'importance. Une larme coula de l’œil de la banshee lorsque Sahel accepta de la prendre en tant qu'apprentie. Elle lui demanda alors de rester un petit peu, afin de lui raconter son histoire. L'histoire d'Isharia, une jeune orpheline Bariath ayant passé sa vie à traquer une grande pirate pour prouver sa valeur au monde.

VI/ Le crépuscule, un dernier tournant ?

Isharia avait donc suivi Sahel et rejoint le crépuscule. Cette dernière était largement reconnue là-bas, en tant que l'Orgueil, contrairement à la banshee qui avait encore tout à prouver. Elle travailla donc difficilement pour être reconnue, pour ne pas rester une simple membre du neuvième commandement. Se mettre soudainement à faire ''le mal'' autour d'elle avait été une simple formalité, un retournement de veste qui ne lui demanda presque aucun effort.

Lentement, le travail, et peut-être l'influence de Sahel dans une certaine mesure, permit à la banshee d'être de plus en plus reconnue au sein du Crépuscule. Son but était de détrôner celle qui l'avait amenée ici et elle avait régulièrement la preuve qu'elle était bien loin d'y parvenir. Cependant elle n'abandonnait pas et accomplissait le plus de missions possible.

Bientôt, elle réussit à devenir chef du neuvième commandement. Ce n'était certes pas le même prestige que les sept pêchés capitaux, mais il s'agissait d'une étape importante, et elle espérait que Sahel, sa cible de toujours, ennemie devenue amante, était fière d'elle.