Filyana a été élevée par son père, loup garou, bêta d'une meute d'une dizaine d'individus vivant dans une partie inexplorée et complètement sauvage, excepté le vieux temple du dieu de la terre, de Vanelrya. Sa mère étant morte en couche, c'est donc principalement son paternel qui fit son éducation, et comme il avait rêvé d'un garçon toute sa vie, la petite Fi' fut traitée comme tel. Oh, bien sûr, cela ne la dérangeait pas, elle ne connaissait rien d'autre après tout. De ce fait, elle n'apprit pas à coudre, ni à parler avec délicatesse en choisissant soigneusement ses mots. Non, elle travailla plutôt son corps, devenant une excellente combattante, et jura plus qu'un charretier dès qu'elle fut en âge de parler, désespérant ainsi les trois membres féminins de la petite troupe qui tentaient en vain de parfaire ses manières.

Fascinée par la nature, elle faisait généralement en sorte d'échapper à la surveillance de sa nounou, une louve nommée Yura, pour crapahuter dans la nature à la recherche de coins sympa où faire la sieste ou encore de bestioles à poursuivre pour améliorer sa course. Filyana était une enfant adorable, gentille et généralement obéissante, le seul souci avec elle étant son entêtement et son manque de patience pour les tâches réservées aux femmes. Toute cette histoire fit d'elle un véritable garçon manqué, mal élevé et déterminé à défier tout le monde. Les deux autres louveteaux furent d'ailleurs rapidement amenés à la considérer comme leur chef, ce qui ne manquait pas de rendre fière la petite Fi' qui bombait alors la poitrine en se pavanant devant leurs parents écroulés de rire. Son côté directe et sans gêne continue encore aujourd'hui de lui attirer des ennuis.

Tout avait commencé simplement pour la petite blonde. Une chaude soirée sylvestre ou les myriades d'étoiles s’étendaient à perte de vue sur la voûte céleste. La faune vibrante, battant la forêt de son rythme endiablé, mue par un élan sauvage. Et les hurlements de la meute qui soutenaient l'une des leur dans sa rude tâche. Criant à plein poumon, Filyana prit sa première inspiration, laissant sa mère pâle et vidée de toute énergie. Oh, bien sûr, ils tentèrent de la sauver. Maugreen, la sage et guérisseuse, lui donna une décoction de simples pour mettre fin à l’hémorragie qu'avait déclenchée la naissance. Mais il était trop tard. Et tous savaient ce que cela signifiait. Le cœur des loups était relié entre eux. Ils la sentirent s'éteindre lentement, chantant pour accompagner son esprit. De la même façon, ils furent attirés par l’énergie phénoménale qui quittait l'enveloppe de la mère, cherchant un nouveau réceptacle. Personne ne s'attendait toutefois à ce que ce soit la nouvelle-née qui en hérite. Le plus abattu de cette nouvelle fut bien sur le père, qui savait que la vie de sa fille serait rude alors qu'elle venait à peine d'ouvrir les yeux sur cette existence. Mais même si sa femme s'en était allée, lui, était toujours là. Il ferait tout pour la rendre forte. Pour honorer la mémoire de celle pour qui il aurait donné sa vie. Il offrirait les meilleures armes à cette petite chose gigotant dans les bras de Yura, la meilleure amie d'Añya qui gisait à présent immobile. Elle avait désormais rejoint la meute éternelle et veillait sur eux depuis les cieux.


Dès que Filyana fut en âge de parler, son père commença à la familiariser avec la nature et les armes de chasse. Landry parlait beaucoup, comme pour combler le vide de sa défunte femme, ainsi, la fillette apprit inconsciemment des tas de choses qui pourraient lui être utiles plus tard. Très rapidement, il fallut se mettre à plusieurs pour surveiller la petite louve qui s'aventurait de plus en plus loin hors du temple si personne ne la rattrapait à temps. Plusieurs fois, elle faillit causer une crise cardiaque à son père, cachée au sommet d'un arbre, ou dans un tas de feuilles mortes, refusant de répondre aux appels répétés de son paternel jusqu'à ce qu'elle lui saute dessus par surprise. L'essence du dragon de l'air qui coulait dans ses veines aiguisait ses sens encore d'avantage que celui des autres loups. Pour son cinquième anniversaire, la blonde reçue son premier couteau de chasse et lorsqu'enfin elle atteignit les dix ans, il commença à la faire travailler avec diverses armes, à la faire participer aux chasses et patrouilles ainsi qu'aux tâches de maintenance du temple. Le vieux bâtiment avait souvent besoin de réparations et rafistolages divers et variés et la souplesse de Fi' était un avantage certain. L'année de ses treize ans, Filyana fut capable de manier le bâton, l'épée, la lance, les dagues et couteaux de lancé, de faire des nœuds de cordes solides et adaptés à la situation et de fabriquer des pièges basique réservés au gibier. À côté de cela, Yura tenta de lui apprendre à cuisiner et repriser le linge, mais c'était toujours un véritable désastre, si bien qu'elle laissât l'enfant aux mains de son père qui peaufina sa maîtrise des armes de base. 

La blonde apprenait rapidement, endurante et volontaire, elle se présentait parfois à l'aube pour demander à Landry de lui remontrer tel ou tel mouvement, et ce, jusqu'à ce qu'elle atteigne la perfection du geste. Les chasseurs furent à leur tour contraint de satisfaire la soif de combat de la fillette. Ainsi, la hache, la double épée, le trident, la rapière et l'arc s'ajoutèrent à la liste de ses connaissances. Quand elle ne trouva plus de quoi se satisfaire, au matin de ses quatorze ans, elle déclara qu'elle quitterait le village pour voyager. Son père, ainsi que l'ensemble de la meute, s'opposèrent à son départ. Même les deux autres louveteaux, à qui elle mettait la paté tous les jours aux entraînements, refusèrent de la laisser s'en aller. Elle était leur cheffe, leur exemple, celle qui menait toujours leurs jeux en forêt, ils s’ennuieraient sans elle ! Après de longues discussions, il fut décidé qu'elle pourrait partir, mais ce, uniquement si le grand gardien du temple l’acceptait pour partenaire. Il subsistait tout un mystère autour de cet être qui veillait sois disant sur eux, mais refusait d'accorder sa puissance aux volontaires, année après année. Ainsi, personne n'avait pu se lier a lui depuis une bonne décennie, et personne ne savait même à quoi il ressemblait. 


La salle dans laquelle ils se rendirent n'avait jamais été ouverte en sa présence. Un immense cercle magique gravé à même le sol figurait en son centre, imposant, le reste était vierge de toutes décorations et de tout ameublement. Filyana était plus téméraire que peureuse, pourtant, elle ressentait une présence imposante dans cette pièce. Comme s'il risquait d'en sortir une épouvantable créature des enfers qui dévorerait son âme. La fillette se plaça au centre et se mit à réciter l'incantation qu'elle avait apprise sur le bout des doigts. Ce fut épuisant, comme si l'invocation se nourrissait de son énergie pour traverser le voile séparant le monde spirituel du terrestre. Puis, lorsqu'elle eut fini, une bourrasque s'engouffra dans la pièce et un familier apparu à ses côtés, tout droit sorti d'une épaisse brume opaque. S'inclinant, celui-ci se présenta comme Shiro, le gardien du temple de la terre. Médusés, les membres de la meute demeurèrent silencieux un moment. Eux qui avaient cru pouvoir empêcher la blonde de partir en lui donnant une mission impossible, n'arrivaient pas à réaliser que l'être qu'ils croyaient sortir d'un mythe se trouvait là, devant eux. Le félin, debout sur ses deux pattes arrière, avait un port de tête noble, son regard illuminé par la sagesse gagna automatiquement le respect de l'enfant bien qu'elle lui trouvât plus un air de peluche que de familier. L'épreuve ayant été accomplie, Landry n'eut d'autre choix que de laisser partir sa fille après lui avoir confié une bourse, des vivres et quelques remèdes offerts par Maugreen la sage qui la sermonna une bonne heure sur les dangers qu'elle pouvait rencontrer sur la route.


Après des mois à parcourir les routes accompagnée de Shiro avec qui elle avait eu le temps de faire plus ample connaissance, Filyana suivi un jour un étrange convois. Curieuse, elle se retrouva alors dans un vieux bâtiment décrépi sentant le moisi et l’humidité, entourée de nombreuses caisses où se superposaient des Artefacts rares. Un marché noir, elle le comprit en voyant les hommes marchander les prix en ricanants grassement. Avec l'aide de son fier compagnon d'armes, elle aurait pu trancher ces deux-là d'un coup net. Mais il était préférable de faire profil bas, ils semblaient nombreux dans les pièces adjacentes. Une main se posa soudain sur son épaule et la fillette voulue se débattre, mais la poigne était ferme et l'homme qui la souleva de terre était bien plus fort qu'elle. Il lui demanda ce qu'elle faisait là et comment elle les avait trouvés. Bien sûr, Shiro voulut la défendre, agacé de voir cette montagne de muscle la traiter ainsi, mais la demoiselle l’apaisa d'un signe de la main. 

- Je viens rencontrer votre boss pour qu'elle m'apprenne les ficelles du métier !

Le grand barbu rigola à gorge déployée, continuant de la maintenir dans les airs de façon très désagréable. Fi craignait toutefois qu'en se débattant, l'homme ne l’assomme d'une pichenette et préférait ne prendre aucun risque. Le silence se fit d'un coup dans la salle et tous les regards se tournèrent vers la porte qui venait de s'ouvrir dans le fond. Une femme était entrée, dégageant un charisme tel que tous paraissaient effrayés de la voir ici. Même Filyana n'osa pas l'ouvrir. Ce fut son homme de main qui expliqua la situation à leur cheffe sans que celle-ci ne l'interrompe d'un simple mot bien que son regard en dise long. 

Vi Tachibana, comme la présenta son familier qui s'exprimait à sa place - un canidé qui ressemblait à une coupelle de glace avec chantilly et vermicelles multicolores - lui ordonna alors de la suivre et après avoir discuté, Vi accepta de la former, de lui offrir gîte et couvert si la blonde acceptait de remplir certaines missions sans geindre ou poser de questions. L'enfant accepta, excitée à l'idée de la vie qui l'attendait ici. Durant les premiers mois, la fillette se contenta de suivre la femme un peu partout et de répondre à ses attentes quand cela était nécessaire. Le contrat qui les liait lui offrait un certain confort. Elle apprit à se faire plus discrète qu'elle ne l'avait jamais été, à crocheter portes et coffres forts et à filer quelqu'un sur de longues distances sans jamais se faire repérer. Le parfait kit du voleur. Puis cette vie la lassa, la blonde commençait à se sentir à l'étroit et un matin, elle déposa une lettre à l'intention de Vi avant de plier bagage sans plus de cérémonies.


Deux mois de plus s'écoulèrent durant lesquels Filyana se rendit sur Vanerzame pour la première fois. Le monde des humains la fascina. C'est aussi là-bas qu'elle se transforma en dragon une nuit de pleine lune et découvrit la douleur que cela provoquait. Interpellée par le conseil, et plus précisément Hana Hitsune, pour n'avoir pas su se contrôler devant des personnes n'ayant pas connaissance de la magie, la blonde fut embarquée et emmenée à la Citadelle du Conseil où on lui expliqua longuement les règles concernant les mages et les non-mages. Bien qu'elle ait passé là-bas plus de temps à hocher la tête qu'à réellement écouter, elle y fit deux rencontres fort intéressantes. Les sœurs Hitsune, Hana qu'elle avait déjà eu le loisir de rencontrer dans le pire des moment, et Loreina, qui la força à porter une robe pour son plus grand désarroi. Le courant passa immédiatement entre elles et les trois filles, bien que les sœurs soient plus âgées, partagèrent de bons moments au sein du conseil avant que Filyana décide qu'elle n'était pas non plus à sa place dans ce grand bâtiment froid. Elle avait besoin d'air, de végétation luxuriante et de lieu vierge de toutes créatures pensantes pour se sentir à son aise. C'est avec regret qu'elle quitta ses amies, qui lui manqueraient à coup sûr, pour regagner l'insécurité des routes et les aventures vers lesquelles elles la menait. 


Les jours s'écoulaient lentement, Fi vivait de la chasse, de longues heures de marche, de rencontres insolites en tous genre et de découvertes. La journée, elle allait de ville en ville, vendait ses services comme garde du corps ou guérisseuse grâce à sa connaissance des herbes médicinales, participait à des combats de rue lui permettant de se payer certains luxes tels qu'un bon bain, une nouvelle veste, l'aiguisage de sa lame chez un forgeron, rien d’exceptionnel mais suffisant pour survivre dans la nature tout en restant au contact de la civilisation. Parfois, elle se penchait sur une mission, nouant des liens avec des chasseurs de primes, des gens du conseil ou de la congrégation. Elle n'avait encore jamais eu l'occasion d'approcher le crépuscule bien que sa curiosité la pousse chaque jour d'avantage vers eux. Elle voulait faire le tour de toutes les organisations afin d'être sûre de n'avoir sa place nulle part. Ensuite seulement, elle s'établirait à son compte, en solitaire, mais ne refusant pas la compagnie de temps à autre. C'est du moins comme ça qu'elle voyait son avenir. Vivre au jour le jour et se contenter de peu !